Chaque année, à l’occasion du 25 novembre, journée mondiale pour l’élimination des violences faites aux femmes, nous nous tenons aux côtés des associations et des femmes victimes de violences.
Chaque année, le 25 novembre est également l’occasion pour le Gouvernement de publier un état des lieux chiffré des violences conjugales de l’année passée. Comme tous les ans, le Ministère de l’Intérieur a publié le 16 novembre 2023, le détail des violences conjugales enregistrées par les forces de sécurité en 2022.
La publication des chiffres du Gouvernement sont toujours particulièrement scrutés par les organisations féministes comme la Fondation des Femmes car ils sont une ressource essentielle pour comprendre les enjeux des violences conjugales et ajuster nos actions sur le terrain auprès des associations. Ils permettent également d’alimenter nos travaux d’expertise et de plaidoyer comme le rapport “Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?” publié par la Fondation des Femmes le 25 septembre dernier et qui dresse l’état des lieux des besoins financiers pour répondre aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
Les chiffres du Gouvernement sont aussi particulièrement commentés dans les médias. Le décryptage de la Fondation des Femmes.
Selon le gouvernement, les violences conjugales sont “l’ensemble des violences (physiques, psychologiques et économiques) commises au sein du couple” (même si le couple est séparé ou divorcé par exemple). “ “La violence conjugale peut être de la violence physique ou sexuelle, de la violence psychologique ou de la violence économique.”
Les femmes victimes de violences conjugales touchent toutes les tranches d’âge et toutes les classes sociales, selon les enquêtes de victimation. Aussi, les situations sont multiples et nécessitent des réponses variées. Ainsi, une femme sur 4 victime de violences conjugales a moins de 25 ans et 89% des affaires signalées concernent des femmes avec enfant. Ce dernier point est important pour l’accompagnement des femmes victimes de violences : comme les associations le rappellent souvent, la volonté de protéger son enfant est moteur pour décider de partir.
Ces chiffres ne signifient pas que les violences conjugales ont doublé mais que les femmes sont de plus en plus nombreuses à prendre la parole et c’est un effet positif des mouvements de ces dernières années, notamment #MeToo.
Mais le reste du tableau est plus sombre : les besoins exprimés augmentent avec cette hausse des signalements (qui ont doublé en 5 ans), des plaintes et de souhaits de départs, pourtant les associations d’accompagnement des victimes de violences conjugales ne voient leurs budgets augmenter que très timidement.
Aujourd’hui, quand les victimes de violences conjugales osent porter plainte – et elles ne sont pour le moment qu’une sur quatre – 80% d’entre elles voient leur demande classée sans suite.
Le rapport du Ministère de l’Intérieur montre que le nombre de signalements pour violences conjugales auprès des forces de l’ordre a doublé en 5 ans.
Et la très grande majorité des violences sont commises sur des femmes par des hommes.
Ces chiffres ne signifient pas que les violences conjugales ont doublé mais que les femmes sont de plus en plus nombreuses à prendre la parole et c’est un effet positif des mouvements de ces dernières années, notamment #MeToo.
Mais le reste du tableau est plus sombre : les besoins exprimés augmentent avec cette hausse des signalements (qui ont doublé en 5 ans), des plaintes et de souhaits de départs, pourtant les associations d’accompagnement des victimes de violences conjugales ne voient leurs budgets augmenter que très timidement.
Aujourd’hui, quand les victimes de violences conjugales osent porter plainte – et elles ne sont pour le moment qu’une sur quatre – 80% d’entre elles voient leur demande classée sans suite.
Les chiffres du Ministère de l’Intérieur disent bien cela : les demandes des femmes victimes de violences augmentent et nous ne leur répondons pas ou qu’à moitié.
En conséquence, si les femmes sont plus nombreuses à se signaler, le nombre de féminicides au sein du couple ne baisse pas, signal alarmant du manque de réponses adaptées. Ainsi, en moyenne, 120 femmes sont tuées chaque année dans le cadre de violences conjugales, selon le décompte de l’Union des familles de féminicides avec le collectif féminicides par compagnon ou ex.
C’est la conclusion de notre rapport “Où est l’argent contre les violences faites aux femmes?”, dressant, 5 ans après #MeToo et la première édition de ce rapport, un état des lieux du budget dédié par l’Etat.
En effet, en 5 ans, le budget que l’Etat dédie aux politiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles a augmenté de 50 millions d’euros. Si l’on peut saluer une hausse, c’est bien trop peu, quand le nombre de violences conjugales enregistrées a doublé.
Au total, en 2022, le Gouvernement ne consacre que 184,4 millions d’euros aux politiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles – dont 171 millions d’euros sont dédiés aux violences conjugales. Or, pour répondre aux femmes qui portent plainte, les accompagner, leur permettre de partir de chez elle parfois, de pouvoir agir en justice il faudrait un budget 14 fois supérieur. Si cela peut paraître énorme, il est important de rappeler que consacrer 2,6 milliards d’euros par an pour lutter contre les violences faites aux femmes et de soutenir les femmes signalées auprès des Forces de l’ordre avec moins de 1% du budget de l’Etat
Comme on l’a rappelé toutes les femmes victimes ne portent pas plaintes : 60% des victimes de violences conjugales et 1% des victimes de violences sexuelles portent plainte. Aussi, pour répondre à l’ensemble des victimes de violences qu’elles se soient signalées ou non, le rapport “Où est l’argent contre les violences faites aux femmes” estime qu’il faudrait 5,4 milliards d’euros soit 1% du budget de l’Etat.
Lorsqu’une femme quitte un compagnon violent, elle doit à la fois vivre ce que chaque personne vit dans une séparation – organisation nouvelle, culpabilité, parfois mettre fin à des années de vie commune – et aussi se protéger car c’est pendant le temps de la séparation que les violences physiques et les risques de féminicides augmentent.
Ainsi, une étude auprès d’une structure d’accompagnement a montré qu’une femme victime de violences conjugales effectue en moyenne 6 départs infructueux avant de partir définitivement : petit à petit, elle s’organise, trouve une protection, un soutien juridique et psychologique pour faire face au traumatisme que représentent les violences conjugales.
Dans le cadre d’un départ, une femme victime de violences conjugales sur 6 a besoin d’un hébergement d’urgence (rapport “Où est l’argent pour l’hébergement des femmes victimes de violences ?” paru en novembre 2021) les autres femmes arrivant à trouver refuge chez leurs proches sans se mettre en danger. Aussi, il est aisé de comprendre que le manque de place en hébergement d’urgence peut être un frein au départ : notre étude de 2021 montrait qu’il manque entre 13530 et 39100 places chaque année.
Enfin, toutes les femmes ont besoin d’une solution pérenne pour se loger après la phase d’urgence.
6 femmes sur 10 souhaitent rester chez elles : grâce à des dispositifs comme l’Ordonnance de Protection et au Téléphone Grave Danger, elles se sentaient suffisamment en sécurité pour rester chez elles et que ce soit au conjoint violent de partir.
Les autres femmes (40% d’entre elles) préfèrent quitter le domicile, synonyme de traumas, de violences et connu de leur agresseur puisqu’ils y vivaient souvent conjointement. Dans cette optique, les pouvoirs publics ont lancés deux dispositifs récemment : l’aide universelle d’urgence – une aide financière versée par les CAF pour permettre aux femmes victimes de violences de partir de chez elles (en vigueur depuis le 1er décembre 2023); et le “pack nouveau départ”, une expérimentation de réseau d’acteurs sociaux pour favoriser la sortie des violences durables
La Fondation des Femmes a également lancé le programme “Elles déménagent” pour coordonner les associations qui proposent le déménagement solidaire des femmes victimes de violences et essaimer cette solution innovante partout sur le territoire et permettre une sortie durable du foyer violent.
La Ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances a récemment apporté son soutien au déploiement du projet et proposé qu’il soit intégré aux expérimentations du « Pack Nouveau Départ » lorsque possible (à La Réunion par exemple). Pour le moment, le dispositif est déployé sur 8 départements via 6 associations partenaires et a déjà bénéficié à 500 femmes.
Aujourd’hui, de nombreuses associations expertes permettent d’accompagner les femmes victimes de violences conjugales. Il faut désormais financer ces dispositifs pour que chaque femme puisse quitter un conjoint violent !
Sources
Edito rédigé par Floriane Volt pour la Semaine Juridique
Informations du Gouvernement par Service Public
Rapport Où est l’argent contre les violences faites aux Femmes 2023
Rapport 2021
Informations du ministère de la justice