C’est un domaine du droit où des magistrat·e·s plus ou moins chenu·e·s se sont retrouvé·e·s à s’intéresser aux tendances de la mode et à juger des limites – relatives – du bon goût en matière de look. Dans quelques affaires, assez rares mais édifiantes, elles et ils ont en effet dû trancher cette épineuse question : comment définir cette tenue “correcte et soignée”, qu’une entreprise peut exiger de son personnel ? Car si le choix de son apparence (vêtements, coiffure, bijoux, piercings, tatouages…) relève de la liberté individuelle de chaque salarié·e, comme l’affirme le code du travail, cette liberté n’est cependant pas “fondamentale”, a précisé la Cour de Cassation en 2003 : une entreprise a donc le droit d’imposer des contraintes vestimentaires à ses employé·e·s dès lors qu’elles sont “justifiées” par la nature des tâches à accomplir et “proportionnées au but recherché”. Il faut ainsi qu’elle démontre concrètement en quoi un vêtement, une coiffure ou un bijou empêcherait tel·le ou tel·le salarié·e de faire correctement son travail ou nuirait à l’image de l’entreprise. La prescription de tenues particulières pour des raisons d’hygiène (charlotte, gants) et de sécurité (casque, chaussures renforcées) prête assez peu à débat, ainsi que le port d’un uniforme ou d’un badge qui permette d’identifier le personnel d’une entreprise. Par contre, la marge d’interprétation est nettement plus large lorsqu’il s’agit de juger ce qui est “convenable” ou non en matière d’apparence, en particulier quand l’employé·e est au contact du public. Même dans ce cas, la règle reste la liberté et ses limites, des exceptions. Par exemple, en 2008, la cour d’appel de Paris a estimé injustifié le licenciement d’une ingénieure d’études à qui il avait été reproché de s’être présentée chez un client en jeans et bottes : “Une telle tenue n’est de nos jours et dans un tel contexte, ni incongrue ni déplacée, mais demeure au contraire parfaitement correcte.”