26/09/2019

Vos droits : Niveau compensé

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Les prestations compensatoires permettent de rééquilibrer partiellement une différence de niveau de vie entre des ex-conjoint·e·s après un divorce. Il ne faut pas tarder à agir en cas d’impayé, même partiel.
Photos Fondation des femmes (4)
Nairi Djidjirian, avocate au barreau de Paris, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes. DR

Moins connue que la pension alimentaire, qui relève d’une obligation de secours et sert à subvenir aux besoins des enfants d’un couple séparé, la prestation compensatoire a pour but de corriger la baisse de niveau de vie de l’un·e des ex-conjoint·e·s, généralement la femme, suite au divorce. Cette somme est donc uniquement destinée à l’ancien·ne compagne ou compagnon. Versée en une seule fois ou sous forme de rente régulière, elle est déterminée à l’amiable ou par un·e juge aux affaires familiales en cas de désaccord. Le montant est fixé en fonction de la durée du mariage, de l’âge des membres du couple, de leur état de santé… “Prenons le cas d’une épouse qui aura sacrifié sa carrière pour s’occuper du foyer : la prestation compensatoire tiendra compte des conséquences de ses choix professionnels sur son patrimoine ou sa pension de retraite”, explique Nairi Djidjirian, avocate au barreau de Paris, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes. Exemple fictif, qui dépend bien sûr de nombre de critères : si monsieur gagnait 3 000 euros par mois et madame 1 000 euros, une prestation compensatoire pourrait s’élever à 700 euros.

Tactiques de dissimulation

L’une des principales difficultés du calcul de ce montant, lors de divorces conflictuels, en particulier quand d’importantes sommes sont en jeu, est d’arriver à déterminer la réalité des revenus et du patrimoine du membre du couple le plus fortuné. Celle (ou celui) qui réclame cette prestation compensatoire se heurte souvent aux tactiques de dissimulation de l’autre, qui sera obligé·e de la verser : appartement mis aux noms de parent·e·s ou d’ami·e·s, domiciliation de comptes bancaires à l’étranger… “Des éléments d’appréciation peuvent être apportés avec des photos diffusées sur les réseaux sociaux, où on voit des bijoux, des meubles, des lieux de vacances, etc.”, observe l’avocate.

Voies de recours

L’autre différence majeure avec une pension alimentaire concerne les voies de recours en cas de non-versement. Malgré ses imperfections, le système mis en place avec la création, en 2017, de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa), permet d’accompagner les bénéficiaires dans leurs démarches. Pour obtenir le règlement d’une prestation compensatoire, en revanche, les ex-conjoint·e·s ne disposent pas de structure équivalente. Plusieurs possibilités sont malgré tout à leur disposition, les plus courantes passant par un·e huissier·ère qui va lancer soit une procédure de “paiement direct” auprès de l’entre- prise employeuse (procédure efficace pour un coût de quelques dizaines d’euros) ou de la banque du ou de la créancier·ère, soit diligenter les voies d’exécution classiques comme la “saisie-attribution” qui permet de jouer sur l’effet de surprise. Cette dernière procédure permet par exemple de saisir les comptes bancaires, pendant que la “saisie-vente” ou la “saisie de véhicule” conduisent à saisir ou immobiliser un bien : une voiture, un tableau… “Ces procédures sont efficaces et les frais sont à la charge du débiteur ou de la débitrice, mais il ne faut pas tarder à les lancer, même en cas d’impayé partiel. Il est nécessaire de démontrer qu’elles ont déjà été mises en œuvre, en vain, en cas de besoin d’aller jusqu’à la saisine du Trésor public qui prendra les mesures nécessaires, mais ne peut remonter au-delà de six mois”, conseille Nairi Djidjirian.

Apaiser les conflits

“Les ex-épouses culpabilisent souvent et n’osent pas demander. Mais une femme qui s’est dévouée pendant des années à son couple et qui est finalement quittée par son mari est dans son droit ! Elle ne doit pas avoir à quémander pour faire appliquer une décision de justice.” L’avocate regrette également que le versement des prestations compensatoires ne soit pas inclus dans le périmètre d’action de l’Aripa. Plus généralement, la création d’une institution qui puisse faire l’intermédiaire et offrir une sorte de terrain neutre entre les ex-conjoint·e·s, à la manière de ce qui existe au Québec, aurait le mérite d’adoucir les relations envenimées. Les avocat·e·s se retrouvent souvent à jouer les entre-deux. Nairi Djidjirian a connu ainsi le cas d’un homme qui ne voulait plus avoir aucun rapport avec son ex-épouse, au point de faire parvenir ses chèques à son cabinet, lequel les renvoyait à l’ancienne conjointe. “Malheureusement, de nombreux conflits naissent à cause du maintien obligatoire de ce contact autour de questions d’argent.” ●
Article par Sandrine Boucher
Paru dans Femmes ici et ailleurs #33, septembre-octobre 2019
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Femmes ici et ailleurs