10/06/2021

Ouverture du procès aux assises du féminicide de Julie Douib

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Aujourd’hui, et au lendemain de l’annonce de 6 mesures gouvernementales, s’ouvre à Bastia le procès du féminicide de Julie Douib. La Fondation des Femmes sera aux côtés de Lucien et Violette, les parents de Julie pour soutenir la famille aux assises.

Leur chagrin c’est notre colère

Aujourd’hui, et au lendemain de la sortie du rapport de l’Inspection Générale de la Justice (IGJ) sur le féminicide de Mérignac et de l’annonce de 6 mesures gouvernementales, s’ouvre à Bastia le procès du féminicide de Julie Douib. La Fondation des Femmes sera aux côtés de Lucien et Violette, les parents de Julie pour soutenir la famille aux assises. 

L’assassinat de Julie Douib, tuée par son ex-compagnon le 3 mars 2019, est malheureusement devenu emblématique de la lutte contre les féminicides. Julie avait 34 ans, était mère de deux enfants et avait porté plainte à la gendarmerie à six reprises, dont quelques jours avant son assassinat. Lors de sa dernière plainte, un gendarme lui répond : “Je suis désolée Madame. Tant qu’il ne l’utilise pas, on ne peut pas lui enlever son arme”. Le lendemain, son ex-conjoint se rend au domicile de Julie Douib et lui tire dessus avant de se rendre à la gendarmerie. 

Ce meurtre illustre hélas les trop nombreux dysfonctionnements de l’Etat au niveau de la protection des victimes de violences conjugales. Malgré ses nombreuses plaintes déposées en gendarmerie, les institutions n’ont pas répondu à Julie Douib qui demandait désespérément protection. “On me prendra au sérieux quand je serai morte” avait dit Julie Douib. 

Chahinez, Julie… Deux ans séparent les deux meurtres mais ce même sentiment d’un immense gâchis, d’une mise en danger par les institutions plutôt qu’une protection se fait ressentir lors de la lecture du rapport de l’IGJ sur le meurtre de Mérignac en mai 2021 . Comment accepter à nouveau ces dysfonctionnements (manque de dialogue entre institutions, manque d’information de la victime, incompétences et non-assistance à une femme en danger) ?

Pourtant le meurtre de Julie Douib a eu l’effet d’un électrochoc et a déclenché alors une mobilisation massive contre les féminicides en 2019. Des proches et familles de victimes de féminicides et la Fondation des Femmes ont organisé un rassemblement le 6 juillet 2019 sur la Place de la République à Paris pour demander un Grenelle des violences conjugales afin de mieux protéger les victimes de violences conjugales. 

Début 2021, la dynamique positive permise par la mobilisation du Grenelle s’est essoufflée. Ni les moyens ni les réformes n’ont été à la hauteur pour des améliorations au long cours. Particulièrement oubliées, les familles et orphelins de victimes de féminicides sont seules, laissées à elles-mêmes, comme le souligne l’Union Nationale des Victimes de Féminicides. Dans le cas de la famille de Julie Douib, les grand-parents maternels ont ainsi dû batailler des mois après le meurtre de leur fille pour que l’autorité parentale soit suspendue pour le père assassin emprisonné et leur soit confiée. Alors que la situation se dégrade à nouveau et que le nombre de féminicides, déjà particulièrement élevé, repart à la hausse, la Fondation des Femmes rappelle l’urgence de réformes profondes et d’investissements financiers et humains, seuls à même de mieux protéger les femmes et les co-victimes (enfants, familles…) sur la durée.

La dangerosité des violents conjugaux est telle que les dispositifs de protection existants doivent être déployés immédiatement et beaucoup plus massivement en suivant le principe de précaution maximum :

  • déploiement des bracelets anti-rapprochement sur le modèle espagnol 
  • retrait systématique et immédiat des armes à feu dès les premiers signalements 
  • distribution généralisée des téléphones grave danger
  • recours massif aux ordonnances de protection

À ce titre, les annonces gouvernementales suite au rapport Mérignac paraissent aller dans le bon sens. Pour autant les femmes en danger n’ont pas le temps de la politique des petits pas. La Fondation des Femmes appelle également des réformes plus profondes telles que :

  • le déploiement des dispositifs de suivi des plaintes au niveau individuel ;
  • le déploiement de dispositifs de suivi et d’évaluation de la politique publique au niveau national, comme en Espagne avec la plateforme VioGen ;
  • la prise en compte des demandes des familles de victimes de féminicides et la prise en charge adéquate des orphelins ;
  • des réformes profondes de la justice et de la police, avec entre autres, la création de tribunaux spécialisés en matière de violences conjugales et sexuelles ou de brigades de polices spécialisées, sur le modèle espagnol. 

S’il est crucial que les institutions instaurent une vigilance de tous les instants face aux violents conjugaux pour éviter les féminicides, il est nécessaire de déployer des moyens pour l’éducation à l’égalité femmes-hommes, la prévention et l’accompagnement des femmes, mesures essentielle pour un effet de long terme. 

Au total, il a été démontré que l’Etat devrait investir entre 500 millions et 1 milliard d’euros pour avoir une politique de lutte contre les violences faites aux femmes efficace, comme l’expliquait déjà en 2018 le rapport “Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?”

La Fondation des Femmes demande au Gouvernement et au Président de la République de faire du sujet des violences faites aux femmes une vraie priorité politique et de s’exprimer à nouveau. Avec déjà plus de 50 féminicides en 2021 (51 féminicides au 9 juin 2021), notre mobilisation ne faiblira pas tant que les violences ne cesseront pas. Leur chagrin, c’est notre colère ! Combien de féminicides faudra-t-il encore pour que la protection des femmes devienne prioritaire ?