Si les agissements sexistes, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel au travail, relèvent de dispositions légales et de comportements distincts, dans les faits, ils sont souvent liés. Il arrive par exemple qu’une victime de harcèlement sexuel préfère parler de harcèlement moral : “Elle a honte, culpabilise, croit à tort avoir provoqué la situation qu’elle subit, ou l’avoir encouragée par une phrase ou un comportement, alors que ce n’est pas de sa faute. Nous sommes en présence d’une inversion typique des rôles, induite par l’auteur, généralement une personnalité manipulatrice. Les victimes sont parfois dans le déni, surtout quand elles sont en début de carrière, ont un fort engagement dans leur travail, veulent s’intégrer professionnellement”, remarque Julie Jean-Setton, avocate au barreau de Paris, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes.
Les logiques de domination sont les mêmes entre harcèlement moral et sexuel. Et bien sûr, ce dernier n’a strictement rien de commun avec des jeux de séduction. “La différence est simple, rappelle l’avocate, c’est le consentement, le respect, la réciprocité.” S’il est par exemple difficile de décrire objectivement le poids d’un regard insistant, en revanche le sentiment qu’il suscite est sans équivoque ; vous ressentez une impression de malaise, de dégradation ou d’humiliation ? C’est le signal qu’il ne s’agit probablement pas là de séduction.
Plusieurs portes où frapper
Que faire si vous vous trouvez dans cette situation ? Au sein de l’entreprise, rapportez les faits à votre hiérarchie, à la direction des ressources humaines ou, dans les plus grandes structures, au comité social et économique (CSE) qui a dû désigner en son sein un·e référent·e en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Le CSE a une obligation d’ouvrir une enquête sur ces faits et de prendre toutes les mesures nécessaires pour y mettre fin. Idem pour l’employeur. S’il ne se passe rien, un conseil des prud’hommes, saisi en référé (procédure d’urgence), peut obliger, sous astreinte, l’entreprise à agir.
D’autres ressources sont mobilisables en dehors de l’entreprise, en premier lieu la médecine et l’inspection du travail. Prenez contact avec le 3919, numéro d’écoute et d’orientation, qui vous invitera le cas échéant à solliciter l’AVFT, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail. Moins connus : les services du Défenseur des droits. “Les victimes y pensent rarement, mais il peut être intéressant de les saisir. Ils n’ont pas un pouvoir de coercition mais d’enquête, de recommandation et de médiation”, observe Julie Jean-Setton. Il est possible de solliciter l’ensemble ou une partie de ces personnes et services, internes ou externes à l’entreprise, sans obligation de le faire dans un ordre particulier.
Disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr
Article par Sandrine Boucher
Paru dans Femmes ici et ailleurs #36, mars-avril 2020