Photo place de la République de manifestation qui illustre les CP de la Fondation des Femmes
17/11/2019

[Communiqué de presse] “Le Conseil de l’Europe pointe les lacunes de la France dans la lutte contre les violences faites aux femmes"

partager icon icon icon icon

Paris, 19 Novembre 2019

Ce jour – le Groupe d’experts indépendants  sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) en charge du contrôle de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul a rendu son rapport d’évaluation pour la France. La Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifiée par la France en 2014, impose à ses signataires de respecter un ensemble de législations et dispositifs de base pour assurer la lutte contre les violences faites aux femmes.

Les experts évaluateurs ont salué les avancées législatives en France depuis 2010 et l’instauration des plans de lutte interministériels. Le rapport rappelle cependant qu’en dépit des progrès effectués “les chiffres liés aux violences faites aux femmes demeurent inquiétants alors que l’impunité des agresseurs reste problématique” – et les experts exhortent les autorités françaises à se mettre en conformité sur de nombreux points. Ainsi, le Conseil de l’Europe renforce le constat alarmant que font les associations,  les professionnel.le.s et la mission du Ministère de la Justice sur les homicides conjugaux sur les défaillances des autorités françaises dans la prise en charge et la protection des femmes victimes de violences. 

En particulier, le Grevio exprime son “inquiétude face à l’insuffisance alarmante de dispositifs d’hébergement spécialisés destinés aux femmes victimes de violences” et la tendance des autorités françaises à orienter les femmes victimes vers des solutions d’hébergements mixtes non spécialisés où elles risquent d’être exposées à davantage de violences. Alors que le Gouvernement entretient le flou quant au nombre de places disponibles en centre d’hébergement spécialisés pour les femmes victimes de violences, le standard de la Convention d’Istanbul qui prévoit un centre par région et la capacité d’accueillir une famille pour 10 000 habitants est loin d’être respecté. Pour rappel, les associations estiment qu’un minimum de 2000 places spécialisées supplémentaires doivent être créées pour faire face à l’augmentation des demandes des femmes victimes de violences. A l’heure où 136 féminicides ont été commis en France depuis le début de l’année, la création de ces places est, pour de nombreuses femmes, un enjeu de vie ou de mort. Le comité d’expert rappelle d’ailleurs que la création des places ne saurait être conçue comme un “engagement volontaire de la part des gouvernements”  puisqu’il s’agit d’un “une obligation en matière de droits humains fondée sur des traités internationaux”. 

Le Grevio exhorte également les autorités françaises à mettre en place “un nombre suffisant des centres d’aides d’urgence accessibles aux victimes de viol et/ou violences sexuelles qui répondent à l’ensemble de leurs besoins à court, moyen et long terme et incluent les soins médicaux immédiats, les examens médico-légaux de haute qualité, indépendamment de la volonté de la victime de porter plainte, le soutien psychologique et légal, ainsi que l’orientation vers des organisations spécialisées”. La Fondation des Femmes partage ce constat des experts du GREVIO et s’est donné pour objectif de financer l’ouverture de nouvelles Maisons des Femmes sur tout le territoire dès 2020.
Le rapport pointe aussi de nombreuses lacunes s’agissant du mécanisme  des ordonnances de protection, ou des mesures judiciaires relatives à l’autorité parentale et l’octroi de droits de visites et d’hébergements dans des contextes de violences. Les experts soulignent que l’exercice conjoint de la parentalité qui est encore très souvent accordé par les juges méconnaît “la tendance des parents auteurs de violences à instrumentaliser l’autorité parentale dans le but de maintenir leur contrôle et emprise sur leurs ex-conjointes et leurs enfants”. La Fondation des Femmes rejoint “l’extrême inquiétude” exprimée par le GREVIO que “les dispositifs de protection des victimes de violences se retournent souvent contre les victimes elles mêmes”.  A cet égard, la Fondation des Femmes regrette que les amendements relatifs à l’autorité parentale portés au Sénat lors de l’examen de la proposition de loi Pradié aient été rejetés par le Gouvernement, sans aucune certitude de calendrier pour les représenter à ce jour.

Si des réformes ont été menées depuis 10 ans, il est clair que le retard de la France se situe au niveau des dispositifs les plus coûteux. Le Grevio rejoint ainsi le plaidoyer que mène la Fondation des Femmes depuis sa création et souligne l’insuffisance de moyens financiers accordés aux services publics et aux associations spécialisées dans la prévention et la lutte contre les violences et le manque de transparence du budget alloué à la lutte contre les violences.

Alors que le Grenelle des Violences Conjugales, qui se clôturera lundi 25 novembre, se veut à moyens constants, ce rapport plaide pour un changement de cap et la mise en oeuvre de politiques plus ambitieuses répondant aux engagements internationaux de la France. Il n’est pas trop tard pour que le budget 2020 soit à la hauteur des préoccupations affichées dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Retrouvez le dossier « Grenelle des Violences Conjuguales »