Paris, le 17 février 2022
Par jugement du 16 février 2023, le Tribunal administratif de Paris a condamné le Ministère de la culture à indemniser 7 des victimes de Christian N, accompagnées par les avocates de la Force juridique de la Fondation des Femmes . Une première victoire plus de 3 ans après la révélation des faits dans la presse. Ce haut-fonctionnaire avait administré entre 2009 et 2018 des diurétiques à plus de 200 femmes.
Le Tribunal administratif de Paris condamne l’Etat à indemniser les victimes pour la faute personnelle de Christian N. Il a retenu que “la faute commise par l’ancien sous-directeur du ministère de la Culture constitue une faute personnelle détachable du service compte tenu de sa gravité et condamne l’Etat à réparer l’intégralité des préjudices subis par la requérante en lien certain et direct avec cette faute” (extrait du communiqué de presse du tribunal).
Alors que Christian N. est également poursuivi devant la justice pénale pour “administration de substance nuisible, agression sexuelle (…) et atteinte à la vie privée”, la reconnaissance par la justice administrative des violences subies est une victoire pour les victimes.
La Fondation des Femmes regrette cependant le montant des indemnisations retenu par le tribunal pour les victimes qui a divisé par deux voire plus les sommes suggérée par le rapporteur public lors de l’audience (entre 20 000 et 30 000 euros), signe de la méconnaissance par la justice de la réalité des violences sexistes et sexuelles et des préjudices subis par les victimes sur le long terme.
Autre signe de cette méconaissance, le Tribunal administratif n’a pas retenu la responsabilité du Ministère de la culture en tant qu’employeur de Christian N.. Les avocates membres de la Force juridique avaient rappelé à l’audience que les agissements de Christian N. étaient connus des services du Ministère de la Culture, celui-ci étant par exemple surnommé “le photographe” et pouvait aller et venir avec des supposées candidates qui n’étaient jamais recrutées.
A l’heure où 2 femmes sur 5 en France métropolitaine déclarent avoir subi des violences sexistes et sexuelles au travail (enquête GENESE 2021, Ministère de l’Intérieur), le Tribunal administratif aurait pu rendre une décision historique dans un dossier d’une ampleur inédite. Rappelons que près de 250 femmes auraient subi les violences de M. N., et en subissent encore les conséquences : perte d’opportunité de carrière, préjudice psychologique, perte de confiance en soi… Par son manque d’action, le Ministère de la culture a permis à Christian N. d’agir en toute impunité pendant 10 ans. Le tribunal administratif a refusé de le reconnaître.
En 2019, un collectif d’une vingtaine de victimes avait fait appel à la Force Juridique de la Fondation des Femmes pour être accompagnées par les avocates dans le cadre du procès pénal et contre l’Etat. A l’audience, les 7 victimes étaient accompagnées par des avocates de la Force juridique : Me Lisanne Chamberland-Poulin, Me Capucine des Ligneris, Me Marie Delrieu, Me Cécile Kurtz et Me Sophia Toloudi.
Capucine des Ligneris, avocate, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes :
“La reconnaissance par le tribunal administratif du préjudice des victimes et de la faute de Christian N. est très importante et il faut s’en réjouir. En revanche, l’absence de réponse du tribunal administratif sur la faute de l’Etat et aux éléments que nous avons soulevés est très décevante. Dans une affaire aussi énorme et si longue, cette absence de réflexion de l’Etat sur le manque de contrôle des agents est décourageant, nous nous interrogeons sur l’opportunité de faire appel”
Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques de la Fondation des Femmes :
“Cette affaire est emblématique de l’impunité accordée aux auteurs de violences sexuelles et sexistes et des difficultés pour les victimes d’accéder à la justice. C’est un honneur et une fierté d’être aux côtés des victimes dans cette affaire, leur force collective nous inspire. C’est la mission de la Force juridique de faire avancer les droits des femmes et la lutte contre les violences effectivement devant les tribunaux.”
À propos de la Fondation des Femmes
La Fondation des Femmes est la fondation de référence en France sur les droits des femmes et la lutte contre les violences dont elles sont victimes. Grâce aux dons qu’elle reçoit, elle apporte un soutien financier, juridique et matériel aux initiatives associatives à fort impact, sur tout le territoire. La Force juridique de la Fondation des Femmes est un réseau de plus de 350 avocat.e.s, professionnel.le.s du droit et expert.e.s bénévoles engagés auprès des associations de défense des droits des femmes. Pour en savoir plus : fondationdesfemmes.org