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Photo place de la République de manifestation qui illustre les CP de la Fondation des Femmes
23/01/2025

[Communiqué de presse] La France condamnée par la CEDH : l’imposition du " devoir conjugal"

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La France condamnée par la CEDH pour l’imposition du « devoir conjugal » : une victoire historique pour les droits des femmes

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu aujourd’hui une décision historique, condamnant  la France pour avoir prononcé un divorce pour faute aux torts exclusifs d’une femme au motif qu’elle refusait des relations sexuelles avec son mari – dans un contexte de violences conjugales. Une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La CEDH a jugé que cette validation dans le droit français du “devoir conjugal” est “à la fois contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps” et à l’obligation, pour la France, de lutter contre les violences domestiques et sexuelles.

Cette décision historique résulte du combat de Madame W. et  met la France face à ses responsabilités alors que subsiste dans notre droit le “devoir conjugal” radicalement contraire à la condamnation du viol conjugal, qui concerne pourtant la moitié des faits de viols ou tentative de viol.

Un cas symptomatique de décisions institutionnelles autorisant les violences sexuelles

La décision initiale, validée par plusieurs juges de juridictions françaises – dont le juge civil, la Cour d’appel de Versailles, et finalement la Cour de cassation – avait considéré que le refus d’une femme d’avoir des relations sexuelles constituait une faute justifiant le divorce à ses torts exclusifs.
Cette décision, contraire à la reconnaissance jurisprudentielle du viol conjugal en France depuis 1992, était une atteinte directe à l’intégrité physique des femmes.
Le viol entre époux est reconnu en France depuis 1990 par la Cour de cassation (chambre criminelle, 5 septembre 1990, Pourvoi n° 90-83.786), et confirmé en 1992 (chambre criminelle, 11 juin 1992, Pourvoi n° 91-86.346). Faisant fi de la loi pénale, certaines décisions civiles continuent de nier cette reconnaissance en imposant une obligation sexuelle implicite dans le cadre du mariage.

Depuis des décennies, les associations féministes alertent sur la nécessité d’en finir avec le concept de « devoir conjugal », qui constitue une forme de contrôle et de violence systémique exercée sur les femmes dans le cadre conjugal. Cette décision de la CEDH impose à la France de réviser en profondeur ses pratiques judiciaires.

Le combat mené se poursuit : la CEDH condamne fermement l’approche française, nous appelons à mettre fin au “devoir conjugal” tiré de l’interprétation erronée et anachronique des articles 215 et 212 du code civil par la justice française.  Une interprétation aberrante à rebours de la lutte contre les violences conjugales.

La victime, soutenue par le Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) et la Fondation des Femmes, a porté cette affaire devant la CEDH. Celle-ci a jugé que l’existence même d’une obligation matrimoniale de relations sexuelles était contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps, deux principes fondamentaux protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme.
Le « devoir conjugal », bien qu’étranger à toute base légale dans le Code civil ou le Code pénal, a été consacré par une interprétation dévoyée des articles 215 et 212 du Code civil :

  • Article 215 : « Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. »
  • Article 212 : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »

Des juridictions françaises ont interprété ces articles comme une obligation d’avoir des relations sexuelles dans le cadre du mariage, une vision incompatible avec le droit des femmes à disposer de leur corps et contradictoire avec la reconnaissance des viols conjugaux.  La CEDH a clairement réaffirmé que « le consentement au mariage ne saurait être assimilé à un consentement aux relations sexuelles futures ». Nous appelons à la modification de ces articles.
 
La Cour européenne a également souligné que des moyens alternatifs étaient à la disposition du conjoint pour mettre fin à la relation, comme le divorce pour altération définitive du lien conjugal, sans recourir à des motifs portant atteinte à l’intégrité du corps de l’autre partie. 
Avec cette condamnation, la France doit maintenant agir pour éradiquer toute trace de ce concept dans son système judiciaire et garantir une protection effective contre les violences sexuelles dans le cadre conjugal.
Le CFCV et la Fondation des Femmes sont membres de la Coalition pour une loi intégrale contre les violences sexuelles qui porte notamment parmi 140 propositions la fin du “devoir conjugal” qui subsiste en droit civil dans les affaires de divorce. 

Le mariage ne peut et ne doit jamais être assimilé à une servitude sexuelle.

 

Emmanuelle Piet, Présidente du CFCV«En condamnant la France, la CEDH a rappelé un principe essentiel : les violences sexuelles ne sont pas le corollaire du mariage. Le respect de la dignité humaine doit prévaloir sur toutes interprétations archaïques des juges français. »

 Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes :  « C’est un long chemin que la libération des femmes vers la libre disposition de leurs corps, rendu possible grâce au travail minutieux et obstiné d’associations telles que le CFCV qui  depuis 1985 a changé la vie des femmes et le regard sur le viol »

Réaction de Mme W. : «Cette victoire est pour toutes les femmes qui, comme moi, se retrouvent confrontées à des décisions judiciaires aberrantes et injustes, remettant en cause leur intégrité corporelle et leur droit à l’intimité.»

Réactions de Me Lilia Mhissen et Me Delphine Zoughebi, avocates de Mme W :
Lilia Mhissen : « Cette décision marque l’abolition du devoir conjugal et de la vision archaïque et canonique de la famille. Les Tribunaux vont enfin arrêter d’interpréter la loi française à l’aune du droit canon et à imposer aux femmes d’avoir des relations sexuelles dans le mariage
C’est une évolution majeure pour le droit des femmes à disposer de leur corps y compris dans le cadre du mariage.
 »

Delphine Zoughebi : « Désormais, le mariage n’est plus une servitude sexuelle. Cette décision est d’autant plus fondamentale que près d’un viol sur deux est commis par le conjoint ou le concubin.
Les arrêts de la CEDH bénéficiant d’une « autorité de la chose interprétée », la décision de ce jour va s’imposer aux juges français qui ne pourront plus considérer qu’une communauté de vie implique une communauté de lit. 
»