31/05/2019

Vos droits : Avant le mariage, adoptez le bon régime !

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Considéré à tort comme accessoire lors des préparatifs d’une noce, le choix du régime matrimonial est essentiel pour régler par avance les questions d’argent dans le couple, notamment en matière de patrimoine.
Photos Fondation des femmes (2)
Khadija Azougach, avocate au barreau de Paris, Docteure en droit, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes. DR

Il est malheureusement fréquent que les personnes que je reçois lors d’un divorce découvrent alors ce qu’est un régime matrimonial. Se poser la question avant le mariage éviterait pourtant de nombreuses difficultés par la suite”, remarque Khadija Azougach, avocate au barreau de Paris et membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes. Aux yeux du droit, le mariage n’est rien d’autre qu’un contrat civil entre deux personnes : il prévoit les “règles du jeu” financières de l’union, mais aussi celles en cas de séparation ou de décès. Or, les effets des différents régimes sont très différents, en particulier en matière de patrimoine.

Quand les futur·e·s conjoint·e·s ne signent pas de contrat spécifique, le régime matrimonial légal qui s’applique “par défaut” en France est celui de la communauté réduite aux acquêts : chacun·e conserve ce qu’elle ou il possédait avant le mariage, mais tout ce qui est acheté ensuite tombe dans l’escarcelle commune. Même quand un·e seul·e conjoint·e assure l’intégralité de l’acquisition d’un bien important, par exemple un logement, l’autre en devient également copropriétaire (sauf à démontrer ensuite que ce bien a été financé par des fonds propres). Même logique quand l’un·e crée seul·e une société comme une SARL : l’autre est supposé·e pouvoir y être associé·e et a droit à la moitié de la valeur des parts. En revanche, les héritages ou les donations reçus ne font pas partie de ce “pot commun” ; mais si, comme c’est fréquent, une maison ou un appartement est acheté grâce à cet apport financier, il est utile de le faire préciser dans l’acte notarié. Dans ce cas, la part ou la totalité du bien ainsi financé reste le patrimoine “en propre” de celle ou celui qui l’a payé, ce qui simplifie les comptes en cas de séparation. À défaut d’acte notarié, il faudra prouver a posteriori que les fonds sont issus d’une donation ou d’un héritage, pour pouvoir réclamer une compensation… Enfin, “la communauté des biens est aussi une communauté des dettes”, rappelle l’avocate. Un·e conjoint·e peut ainsi se retrouver dans de graves difficultés si l’autre est par exemple un·e entrepreneur·e qui fait faillite ou contracte subitement un emprunt en pleine procédure de divorce. “Le régime légal n’est pas adapté à tous les besoins ni à toutes les situations”, conclut Khadija Azougach.

Séparation ne veut pas dire dénuement

Quelles sont les autres possibilités ? Le régime de la communauté universelle, où tous les biens acquis avant et après le mariage appartiennent aux deux, est assez peu utilisé. En revanche, il arrive souvent que les couples âgés fassent changer leur régime matrimonial au profit de cette communauté universelle lorsqu’ils souhaitent protéger leur conjoint·e survivant·e en évitant, par exemple, la vente du logement dans le cadre d’une succession.
Le régime de la séparation des biens, où chacun·e garde ce qu’elle ou il possède ou achète, marié·e ou non, est aujourd’hui le plus courant. C’est notamment le statut privilégié par les familles recomposées. Avantages : “la situation est claire, les enfants d’une précédente union sont protégé·e·s et rien n’empêche que le couple achète ensemble un bien commun qui sera en indivision”, remarque l’avocate. Par ailleurs, la séparation des biens ne signifie pas que le ou la conjoint·e qui ne possède rien se retrouve à la rue en cas de divorce. “Si Madame est en difficulté et qu’elle a la garde des enfants, même si Monsieur est propriétaire du logement de la famille − directement ou par le biais d’une société civile immobilière − une jurisprudence constante permet aux magistrat·e·s d’ordonner que Madame puisse continuer à vivre gratuitement dans les lieux jusqu’au jugement définitif de divorce. Et parfois de conserver ce bien au titre des prestations compensatoires”, explique Khadija Azougach, qui défend régulièrement des femmes victimes de violences conjugales.

Éviter de polluer la relation par des questions d’argent

Enfin, une dernière solution, “hybride”, est la participation aux acquêts : pendant le mariage, la séparation des biens s’applique, mais en cas de séparation, la “plus-value” créée par le couple, comme la valorisation de leur patrimoine, est estimée et partagée. “Ce système permet un rééquilibrage, par exemple lorsqu’une femme sacrifie sa carrière pour aider son mari entrepreneur et élever leurs enfants : sa contribution à l’enrichissement global du foyer sera prise en compte, puisqu’elle et il devront se partager cette ‘plus-value’ accumulée durant le mariage”, souligne l’avocate.
Quoi qu’il en soit, avant de convoler en justes noces, il est indispensable de se poser la question du régime matrimonial adapté. Pas glamour ? “Les personnes qui ont eu une première expérience maritale savent que ces simples précautions permettent d’éviter ensuite le risque que les questions d’argent et de patrimoine viennent polluer le couple et la vie de famille.” Pour convoler léger, adoptez le bon régime ! ●
Article par Sandrine Boucher
Paru dans Femmes ici et ailleurs #31, mai-juin 2019
En partenariat avec :
Femmes ici et ailleurs