17/06/2022

Violences dans l’industrie pornographique : la Fondation des Femmes soutient les victimes

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Plus de 40 femmes victimes de violences ont le courage de prendre la parole face à l’industrie pornographique. La Fondation des Femmes lance un appel à générosité du public pour que justice soit rendue et qu’aucun crime ne reste impuni.

Mise à jour septembre 2023 : découvrez les avancées avec Maître Soubie-Ninet

Je lis l’entretien

 

Attention, cet article raconte des faits de violences sexuelles organisées. 

 

Plus de 40 femmes victimes de violences sexuelles inouïes et de traitements dégradants et inhumains  ont le courage de prendre la parole face à l’industrie pornographique en France, économiquement très puissante. Pour prendre en charge les frais de justice de celles qui n’ont pas les moyens de porter plainte, la Fondation des Femmes lance un appel à générosité du public pour que justice soit rendue à chacune et qu’aucun crime contre les femmes ne reste impuni.


 

Elles sont plus de 40. 

Plus de 40 femmes d’un courage prodigieux qui ont osé parler des violences subies dans le cadre de tournages de vidéos pornographiques. Après un recrutement organisé pour les piéger et les violer une première fois, elles témoignent des violences sexuelles, psychologiques et physiques sur les tournages, organisées par des producteurs, qui, au-delà de les planifier, les encourageaient et y prenaient parfois part. Viols, insultes, menaces, pratiques à plusieurs non consenties, non protégées…

Elles sont aujourd’hui plus de 40, debout et courageuses, face à ces hommes et à un système organisé qui a voulu les détruire pour en tirer profit.

Un mécanisme de manipulation rodé pour les enrôler et les piéger

Les femmes témoignent d’un mécanisme bien rodé pour les enrôler. Chacune a été ciblée sur les réseaux sociaux lors d’une période de grande précarité ou de vulnérabilité émotionnelle par un homme masquant son identité derrière un faux profil féminin et devenant “l’amie” de chacune d’elles. Pendant des mois, cet homme échangeait régulièrement avec elles, les complimentaient, leur donnait à voir une vie de rêve, à un moment où elles-mêmes faisaient face à des problèmes personnels. L’”amie” les amenait à envisager une porte de sortie facile à leurs difficultés financières : se prostituer . Il leur proposait un premier “test avec un client” (le client étant lui-même). Les femmes témoignent toutes de viols lors de ce rendez-vous. 

Ce “viol d’abattage” a pour but de détruire les femmes et d’annihiler tout mécanisme de défense psychologique, en plus de les précariser davantage. 

“Il était très violent. J’avais des bleus partout à la fin. Avec sa force, il me serrait avec ses mains, j’avais la sensation qu’il essayait de détruire mon corps.” 

 

Comme le précise Maître Lorraine Questiaux, avocate de plusieurs plaignantes lors de l’enquête réalisée par Le Monde : « Le premier viol joue une fonction bien précise, celle de casser les défenses et les résistances des femmes, c’est une déflagration psychique pour les victimes, donc une soumission acquise. »

Elles sont alors particulièrement vulnérables après ce viol et doivent toujours faire face à leurs difficultés financières. Elles viennent chercher réconfort auprès de leur “amie virtuelle” (l’homme qui les a violées une première fois) qui les rassure. Celle-ci leur propose une nouvelle solution pour leur permettre de sortir de leurs difficultés financières : la pornographie. “Elle” les renvoie vers un producteur de vidéos pornographiques soi-disant diffusées sur sur une plateforme confidentielle au Canada et leur assure qu’elles recevront une forte rémunération. Les femmes concernées acceptent sous certaines conditions : par exemple pas de rapport anal, des rapports protégés, avec un seul homme. 

“Il m’a fait comprendre que je n’avais pas le choix. J’ai laissé faire parce que j’étais épuisée.”

 

La réalité sera bien différente. Une fois entre les mains des producteurs, notamment Mat Hadix et Pascal Ollitrault, elles témoignent de rapports sexuels exigés par ce dernier avant le tournage. Le producteur les incite à boire de l’alcool et consommer de la drogue. 

Emmenées ensuite auprès d’autres hommes, dans des squats, des locations, des camping cars, ces femmes témoignent des violences sexuelles et physiques qu’elles ont alors subies, viols collectifs, sans préservatif… Malgré la douleur et les protestations qu’elles expriment, les hommes présents continuent.

 

“Je me suis un peu énervée, mais ils m’ont forcée, ils ont appuyé ma tête contre le sol et ils ont continué.” 

Une demande de soutien exceptionnel pour un procès exceptionnel

Pour défendre les droits de ces femmes violées et détruites psychologiquement face à une industrie toute puissante, trois associations féministes se sont constituées parties civiles (Osez le Féminisme !, Le mouvement du Nid et les Effrontées).  Elles ont mobilisé une équipe d’avocates pour accompagner en justice les femmes victimes de viols, proxénétisme aggravé, actes de torture et de barbarie en bande organisée, abus de faiblesse.

La totalité des dons sera dédiée au soutien de ces femmes.

A ce stade d’avancée de la procédure et malgré l’immense engagement bénévole d’avocats et avocates qui ne comptent plus leurs heures, 2 500 € supplémentaires sont nécessaires pour chacune de ces femmes afin de couvrir leurs frais de justice. Si 50 personnes se mobilisent et donnent 50€ pour chaque plaignante, cela permettra de l’accompagner dignement et qu’elle ne soit pas seule face à ce système organisé.  

Aujourd’hui, vous pouvez faire en sorte qu’aucune de ses femmes ne se retrouve seule face à la justice dans le cadre de ce procès historique.

Faites un don

Certaines femmes subissent aussi des viols collectifs – des heures de rapports sexuels imposés et filmés – avec une quarantaine d’hommes recrutés en ligne, pour leur appétence pour les “bukkake”.

 

“C’est un cauchemar. Je dois me mettre à genoux, toucher tout le monde, me laisser faire. J’avais plus aucune visibilité en fait, je pleurais mais les larmes ne coulaient pas, j’avais le visage rempli, les yeux remplis, mon corps tremblait, je n’avais plus aucun contrôle. Ça a duré une heure, j’avais l’impression que ça n’allait pas s’arrêter, c’était une torture.

 


EXTRAIT DE L’ENQUÊTE DU MONDE, PUBLIÉE DU 15 AU 18 DÉCEMBRE 2021

L’exemple emblématique de Soraya, la première à avoir témoigné

« Fin 2016, Soraya a 23 ans et pas d’argent. Sur Internet, elle croise «Axelle», le pseudonyme sous lequel Julien D. trompe des jeunes femmes, pour profiter d’elles dans un hôtel à Reims. Avant de les orienter vers le producteur et acteur pornographique Pascal Ollitrault, alias «Pascal OP», qui gère le site French Bukkake, et son associé Mat Hadix. Soraya a subi un bukkake, cette pratique extrême importée du Japon, une séance d’éjaculation collective de plusieurs dizaines d’hommes au milieu d’un hangar, puis a dû endurer le harcèlement de tout son quartier et, enfin, une tentative d’extorsion pour racheter les vidéos, dont on lui avait promis qu’elles resteraient confidentielles. »


Une diffusion qui vient bafouer leur consentement une troisième fois

Après un premier viol pour les piéger, des “recrutements”, des viols en réunion organisés lors des tournages, les femmes victimes doivent voir une nouvelle fois leur consentement trahi s’agissant de la diffusion des vidéos. Alors que les hommes leur avaient promis une diffusion confidentielle sur un site canadien pour les mettre en confiance, les vidéos sont vendues et diffusées sur des plateformes de diffusion massive françaises, comme Jacquie et Michel – et présentées comme “amateurs”.

Les femmes sont souvent reconnues et harcelées, notamment par leur voisinage. Lorsqu’elles réclament aux producteurs de retirer les vidéos des sites où elles sont diffusées, on leur demande plusieurs milliers d’euros pour le faire –  bien plus que ce qu’elles n’ont été payées. Elles se retrouvent alors à financer ainsi le système qui les a violées pour essayer de s’en protéger. En réalité, même si la vidéo est retirée d’un site, elle peut réapparaître sur d’autres plateformes qui ne contrôlent rien de ce qui y est téléchargé, rendant ainsi le retrait de leur vidéo d’Internet quasiment impossible. 

Un procès historique

L’affaire est en cours d’instruction par la justice française après la décision du parquet de Paris d’ouvrir une enquête préliminaire en 2020. L’enquête des forces de l’ordre dure des mois : surveillance, perquisitions, interpellations, auditions, gardes à vue… Aujourd’hui, une information judiciaire ouverte pour des chefs de «viols en réunion», «traite aggravée d’êtres humains», «proxénétisme aggravé», «blanchiment», «travail dissimulé» et «diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne».

L’affaire est immense. Plus de 40 femmes ont pris la parole à la suite du témoignage de Soraya – la lanceuse d’alerte – et une majorité a désormais porté plainte. Elles sont soutenues par une équipe d’avocat.e.s. Face à elles, 12 producteurs et acteurs, et plus de 500 hommes anonymes ayant participé aux vidéos et aux viols collectifs. Incontestablement, il s’agit ici de l’un des plus grands procès de l’histoire des violences sexuelles et sexistes de par le nombre effroyable d’accusés. 

Aujourd’hui, la Fondation des Femmes et sa Force juridique sont mobilisées aux côtés des associations et des victimes afin de faire entendre la voix de ces femmes et d’obtenir justice. 

Pour cela, nous avons besoin de vous !

La Fondation des Femmes lance une collecte de dons pour prendre en charge les frais d’avocat.es des victimes, dont le travail de coordination est essentiel pour construire leur affaire face à la complexité et l’immensité du dossier judiciaire, l’ensemble des juristes et avocat.e.s travaillant sur l’affaire, accompagnant les victimes, assistant aux auditions… 

Cette affaire est décisive pour faire évoluer le droit pour toutes, pour faire la lumière sur des violences taboues. Ce procès permettra d’ouvrir la voie pour plus de justice et de faire entendre davantage la voix des victimes de violences. 

Ce procès est déterminant pour la reconstruction de ces femmes, mais aussi pour toutes les autres victimes de violences sexuelles qui y verront une possibilité de justice pour elles. Il va aussi être indispensable pour qu’enfin, il n’y ait plus une seule vidéo de viol qui soit accessible sur internet. La construction de leur dossier et le travail colossal actuellement effectué par leur équipe juridique et les associations sont donc essentiels. 

Votre soutien est donc crucial pour aider ces femmes au courage exceptionnel à financer leur procès. Les accompagner financièrement c’est non seulement les aider à sortir de cette précarité financière qui a hélas été un facteur clé dans la manipulation qu’elles ont subi, mais c’est aussi les aider à encore plus reprendre le contrôle sur leur vie. 

 


Les informations et les verbatims de cet article sont issues du travail d’enquête effectué par Lorraine de Foucher, Nicolas Chapuis et Samuel Laurent pour Le Monde. Cette enquête a été publiée dans 4 articles en décembre 2021.

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[EDIT] L’affaire du porno français

Suite à ces enquêtes et témoignages, 12 producteurs et acteurs sont actuellement mis en examen pour viols, proxénétisme et traite des êtres humains. Depuis le 14 juin, l’affaire du porno français s’étend davantage : Michel Piron, propriétaire du site Jacquie et Michel, ainsi que 4 autres personnes également impliquées dans la gestion du site Jacquie et Michel ont été placés en garde à vue. Ces diffuseurs sont interpellés pour complicité de viol et proxénétisme. Plusieurs affaires judiciaires sont donc actuellement en cours pour dénoncer un même système de violences organisées au sein de l’industrie pornographique.