Le féminicide n’est ni une anomalie ni un fait divers tragique, c’est une exécution qui s’inscrit dans un continuum féminicidaire, un système profondément enraciné de violences masculines qui traversent tous les domaines de la vie des femmes. Ces crimes de masse résultent d’une domination structurelle misogyne qui se nourrit de mépris institutionnel. Se souvenir des victimes féminicidées, ce n’est pas seulement exercer notre devoir de mémoire : c’est affirmer notre responsabilité collective. Rendre femmage, c’est enclencher la prise de conscience individuelle et collective, renforcer la vigilance, documenter les chiffres, analyser les causes, pointer les défaillances et exiger des politiques publiques à la hauteur de l’enjeu sociétal majeur que constitue la violence féminicidaire.
En 2024, les féminicides par un partenaire intime ont augmenté de 11 % selon le ministère de l’Intérieur, avec 107 femmes tuées. Parmi elles, 47 % avaient signalé des violences aux forces de l’ordre. Ces chiffres révèlent des dysfonctionnements graves, constatés à nouveau en 2025, comme le meurtre d’Inès Mecellem le 8 septembre l’exemplifie, alors même que celle-ci avait déposé cinq plaintes contre son agresseur devenu féminicidaire. Consacrer moins de moyens à la lutte contre les violences patriarcales, conduira mécaniquement à plus de féminicides. Pendant que les budgets se réduisent, les femmes meurent.
Face à cette urgence absolue, nous appelons à un sursaut collectif et demandons :
Aujourd’hui, 6 décembre, cette mobilisation prend tout son sens. Il y a 35 ans à Montréal, un homme armé a séparé les étudiant·es dans une salle de classe et ouvert le feu sur les femmes, tuant 14 d’entre elles du simple fait qu’elles étaient des femmes dans une école qu’il considérait devoir être réservée aux hommes. Ce massacre de l’Ecole polytechnique de Montréal, en 1989, a marqué la résurgence d’un masculinisme agressif et mortifère s’inscrivant dans un continuum de violences envers les femmes : en France, une femme meurt tous les deux jours de la même haine misogyne et ceci sans compter les suicides forcés et les féminicides par procuration. Alors que 37% des hommes de moins de 34 ans consultent des contenus masculinistes en ligne, commémorer le 6 décembre n’est pas un simple devoir de mémoire, c’est une manière de préparer un autre avenir.
Se souvenir, c’est agir.
Nommer, c’est protéger.
Compter, c’est espérer.
Chaque féminicide est un signal que nous devons entendre et transformer en action. Montréal nous rappelle pourquoi le 6 décembre doit devenir un rendez-vous annuel de vigilance, de mobilisation et de résistance, non seulement pour que les chiffres cessent d’augmenter mais aussi pour construire un monde d’égalité réelle où il ne nous sera plus nécessaire de compter nos mortes car les féminicides auront tout simplement disparu.
Parce que chaque féminicide est un féminicide de trop.
Parce que nous le devons à celles de Polytechnique et à toutes les autres.
Ni Una Menos.
Anne-Cécile Mailffert, présidente de la fondation des femmes,
Christelle Taraud, Historienne,
Sandrine Bouchait, présidente de l’UNFF, et le collectif Féminicides par ex ou conjoint
Crédit photo @lauriebisceglia