©-Melissa-Dufour-Simpacid
16/02/2022

Communiqué de presse

Vos droits : Pensions alimentaires, alléger la charge des mères

partager icon icon icon icon
Prenant exemple sur le Québec, la France s’est dotée d’un service public des pensions alimentaires, assurant à la fois leur collecte et leur versement. Ce dispositif va devenir la norme pour tous les divorces. Il servira à prévenir les nombreux impayés dont les victimes sont en quasi-totalité les mères.

Cet article est issu d’un partenariat entre le magazine Femmes Ici et Ailleurs et la Force juridique de la Fondation des Femmes pour mettre en lumière les enjeux d’égalité dans des sujets juridiques !

Couv-FIA

Les chiffres donnent le vertige. Un tiers des pensions alimentaires seraient en souffrance dans notre pays, qu’elles soient impayées, partiellement ou en retard, lésant environ 350 000 parent·e·s, des mères dans leur écrasante majorité. “Les séparations représentent un contentieux de masse dans le droit de la famille, avec des débats souvent très difficiles quand ils touchent au portefeuille. Nous voyons tous les cas de figure, mais le paiement spontané d’une pension alimentaire est une vue de l’esprit”, témoigne Me Sandra Renda, avocate au Barreau de Chartres, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes. Les mères paient la rupture au prix fort. Aux classiques inégalités salariales femmes hommes s’ajoutent le sacrifice qu’elles font souvent de leur carrière afin de se consacrer à l’éducation des enfants et l’entretien de la famille (congés parentaux, travail à temps partiel, départ de l’emploi…). Et ce sont ces mêmes mères qui, après un divorce, se voient, en plus, privées de pensions alimentaires.

La pension alimentaire, un moyen de chantage

Me Sandra Renda remarque : “Invoquer une résidence alternée pour s’exonérer de l’obligation de payer une pension alimentaire est une ‘astuce’ qui a longtemps fonctionné, y compris auprès de certain·e·s magistrat·e·s. Sauf que la pension alimentaire est avant tout basée sur les disparités de revenus entre les parent·e·s, les besoins de l’enfant ou des enfants, le mode de garde.” Si la France n’utilise pas de barème standard, il existe cependant des simulateurs de pensions alimentaires qui servent de référence à valeur indicative pour en fixer le montant, lors d’une séparation amiable ou contentieuse1. “La garde des enfants est aussi régulièrement utilisée comme un moyen de chantage, avec l’argument : ‘si tu ne me donnes pas l’enfant, je ne te payerais rien’”, poursuit-elle.

Pendant longtemps, le parcours de la combattante

Reste ensuite à obtenir le versement effectif de cette pension. De nombreuses mères se retrouvent alors contraintes de mendier régulièrement leur dû, avec parfois les enfants en intermédiaire et de sordides histoires de chèques dans les cartables. En cas de non-versement, ce fut pendant longtemps le parcours de la combattante puisqu’il revenait aux victimes d’impayés de supporter toute la charge de la procédure, en énergie, en temps, en argent (honoraires d’avocat·e, d’huissier·ère·s, etc.), mais aussi le poids psychologique, puisque maman devenait la méchante qui voudrait envoyer papa en prison2.

En 2017 est créée l’Agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (Aripa), le “bras armé” de la Caisse d’allocations familiales pour récupérer les sommes auprès des parent·e·s défaillant·e·s (qui sont à 96 % des hommes)3. Un système qui a vite montré ses limites. Par méconnaissance ou en raison de sa complexité administrative, “seulement 17 % des familles subissant des incidents ont eu recours à l’aide au recouvrement proposée par l’Aripa”, souligne l’étude d’impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2020 (PLFSS). D’où la réforme en cours, dont l’objectif, poursuit ce rapport, est de “changer de modèle en passant d’une logique de recouvrement à une logique de prévention des impayés”. La construction par étapes d’un service public français des pensions alimentaires s’est inspirée de l’exemple québécois où l’équivalent de l’administration fiscale se charge de leur collecte et reversement.

Un dispositif qui s’appliquera automatiquement

Depuis le 1er janvier 2021 en France, tous les parents peuvent demander à l’agence de la Caf de jouer les intermédiaires, même hors cas d’impayés. Avec une efficacité certaine. Dans le seul département de la Réunion, la Caf a recouvré 1,3 million d’euros de pensions alimentaires au cours des six premiers mois de 2021, contre 1,9 million d’euros sur l’ensemble de l’année précédente4. Au niveau national, le taux de recouvrement des pensions alimentaires est passé de 63 % en 2008 à 73 % en 2021. Le PLFSS de 2022, présenté le 24 septembre, a fixé les étapes suivantes : à partir du 1er mars prochain, ce système s’appliquera automatiquement — sauf refus explicite des parents — suite aux divorces prononcés en justice, et à partir du 1er janvier 2023, dans tous les autres cas, y compris les divorces par consentement mutuel. Me Sandra Renda voit plusieurs avantages à ce nouveau dispositif : “la Caf et l’Aripa disposent de puissants moyens d’action pour recouvrer les sommes dues, comme par exemple l’accès aux déclarations de revenus, ainsi que la capacité de demander un paiement direct auprès de l’entreprise employeuse du parent débiteur, de Pôle Emploi, de sa banque, etc. Par ailleurs, qu’une autorité administrative — donc neutre — joue les intermédiaires sur les questions d’argent permet de dépassionner les relations, éviter les conflits et de contribuer ainsi à maintenir la communication entre les parents, essentielle pour les enfants.

Photos Fondation des Femmes (1)
Propos recueillis par Sandrine Boucher
Paru dans Femmes ici et ailleurs #46, novembre-décembre 2021

Avec Me Sandra Renda, avocate au Barreau de Chartres, membre de la Force juridique de la Fondation des Femmes
Pour en savoir plus